Le rôle des humains sur le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des continents est sans équivoque. En émettant des gaz à effet de serre (GES), l’humanité a provoqué des changements rapides et étendus au niveau de l’atmosphère, de la cryosphère (glaces terrestres et marines), de la biosphère (les êtres vivants) et des océans (GIEC, 2007).
Pourquoi l’Agriculture Climato-Intelligente (ACI) ?
Le lien entre les changements climatiques et ses effets sur les ressources naturelles s’établit à travers les extrêmes climatiques tels que les sécheresses, les orages violents, les inondations. (C-R. Nguimalet et al., 2016) L’impact des perturbations climatiques sur les ressources naturelles influence négativement sur les processus de production agricole qu’elle soit pluviale ou irriguée (Ouedraogo, et al.,2022).
De plus, l’agriculture en elle même contribue à :
- 24 % des émissions anthropiques mondiales de GES,
- 50% des émissions mondiales de méthane provenant de la fermentation entérique et des rizières,
- 70 % des émissions mondiales de N20 provenant des engrais artificiels,
- 5 % des émissions mondiales de CO2 proviennent de la consommation de combustibles fossiles et de la combustion de biomasse.
Les populations rurales de l’Afrique subsaharienne sont particulièrement exposées aux aléas climatiques dans la mesure où elles sont étroitement dépendantes de l’agriculture pluviale, qui représente près de 93 % des terres cultivées (B. Sultan et al., 2015). Il est donc impérieux que cette agriculture soit pensée autrement en intégrant les réalités climatiques aux méthodes et pratiques ou en les améliorant.
L’objectif serait donc de la rendre plus résiliente dans le sens de permettre une meilleure gestion de la production afin d’accroître les rendements. Ainsi, l’agriculture climato intelligente (ACI) s’est avérée être un moyen efficace de production agricole dans le contexte actuel des changements climatiques. Mais qu’est-ce que l’ACI ?
Qu’est-ce que l’ACI ?
Qu’est-ce que l’ACI ?
L’ACI est un moyen pour mettre en œuvre des priorités de développement agricole justifiées par le changement climatique à court et à long terme ; elle peut aussi servir à intégrer d’autres priorités de développement.
Elle devra aider les pays et les divers acteurs à mettre en place les conditions politiques, techniques et financières qui leur permettront :
- d’augmenter durablement la productivité et les revenus agricoles ;
- de renforcer la résilience et la capacité des systèmes agricoles et alimentaires à s’adapter au changement climatique ;
- de réduire et d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en atteignant les objectifs nationaux de sécurité alimentaire et de développement.
En d’autres termes, L’agriculture intelligente face au climat est une approche conçue pour développer les conditions techniques, politiques et d’investissement nécessaires pour atteindre une agriculture durable répondant aux enjeux de la sécurité alimentaire dans un contexte de changement climatique.
L’agriculture climato-intelligente (ACI) repose sur trois piliers : la sécurité alimentaire et le bien-être des agriculteurs, l’adaptation au changement climatique, l’atténuation du changement climatique. Mais Comment faire de l’ACI ?
Comment faire de l’ACI ?
1. Gestion de l’eau
1.1. Conservation de l’Eau et du Sol par des Digues : l’endiguement est une des techniques de micro-bassin versant par laquelle des murs surélevés sont disposés selon des schémas spécifiques sur les terres agricoles pour collecter et conserver l’eau, et pour réduire l’érosion des sols et la formation de ravines.
1.2. Captage de l’Eau de Pluie à travers des Fosses Zaï : La collecte et la conservation de l’eau sont cruciales pour l’agriculture, surtout dans les régions arides comme le Sahel. Elles doivent être combinées à une gestion efficace de la fertilité des sols pour améliorer les rendements dans des conditions climatiques difficiles. Au Sahel, diverses techniques sont utilisées pour recueillir l’eau, allant des méthodes traditionnelles comme les fosses de plantation zaï aux méthodes modernes telles que les bordures demi-lune, les crêtes liées et les lignes rocheuses.
1.3. Gestion des Crues des Plaines Inondables Saisonnières : Ceci concerne un système d’irrigation à modeste envergure singulier à la région de la Corne de l’Afrique, où l’eau est déviée des cours des rivières saisonnières dès le début des précipitations, afin d’être acheminée vers les terres agricoles généralement asséchées, les transformant ainsi en plaines inondables saisonnières.
1.4. Plan d’irrigation à petite échelle : l’irrigation est cruciale pour les cultures, se déclinant en trois types principaux : l’irrigation par inondation, exigeant beaucoup d’eau et des champs clos pour éviter les pertes ; l’irrigation par aspersion, dispersant l’eau sur une large zone de champ, nécessitant une source d’eau propre sous haute pression ; enfin, l’irrigation goutte à goutte, distribuant l’eau le long des rangées de cultures via des tubes avec des émetteurs à intervalles réguliers, utilisant de l’eau propre sous faible pression.
2. L’agroforesterie
L’agroforesterie, définie par l’Organisation internationale de recherche sur les systèmes agroforestiers (ICRAF), consiste en un système agricole intégrant cultures, élevage, arbres et arbustes. Les interactions biologiques qui en résultent offrent de multiples avantages, tels que des sources de revenus variées, une augmentation de la production biologique, une amélioration de la qualité de l’eau et un habitat amélioré pour les humains et la faune. Les principales pratiques agroforestières sont répertoriées dans le tableau ci-dessous.
| Pratique | Description |
| Potager | Il s’agit d’arbres plantés sur des terrains ou près de fermes. Il s’agit notamment des plantes ornementales), des arbres fruitiers (Mangifera indica), des avocats (Persea americana), des agrumes (Citrus spp), des macadamia (Macadamia tetraphylla). |
| Parcelles boisées | Ce sont des arbres souvent plantés sur la partie la moins fertile des fermes pour la production de bois de chauffage et de bois. |
| Amélioration des jachères et des jachères rotationnelles | Les espèces d’arbres pour les jachères améliorées comprennent des Glir- icidia sepium, Tephrosia vogelii, Tephrosia candida, Calliandra calothyrsus, Leucaena trichandria, Sesbania sesban. |
| Arbres dispersés sur les terres cultivées | Dans ce cas, des arbres polyvalents sont dispersés au hasard ou selon cer- tains schémas systématiques sur le terrain. |
| Plantation de limites, ceintures d’abris et clôtures de survie | Il s’agit d’arbres et d’arbustes plantés le long et autour des fermes à des fins de protection ou de délimitation. |
| Plantation de haies | Cela implique la culture de cultures vivrières entre les haies d’arbustes plantés et les arbres de préférence des légumineuses ou des engrais et des arbres fourragers pour fixer l’azote. |
3. Pratiques de gestion des sols
3.1. Cultures associées : La culture associée est une méthode agricole qui implique la cultivation de deux cultures distinctes, voire plus, sur une même parcelle de terre. Cette approche requiert une planification méticuleuse, prenant en considération les caractéristiques du sol, les conditions climatiques et les variétés de cultures afin de garantir que celles-ci ne rivalisent pas entre elles pour l’espace, les nutriments, l’eau et la lumière du soleil.
3.2. Rotation des cultures : la rotation des cultures désigne la méthode agricole consistant à cultiver une série de cultures variées dans une même zone au fil des saisons successives (Mutua et al., 2014 ; CRTC, 2014). En optant pour différentes formes de rotation des cultures, les agriculteurs peuvent diminuer leur dépendance aux engrais chimiques et maintenir la production constante de leurs champs, évitant ainsi de les laisser en jachère, ce qui peut s’avérer onéreux.
3.3. Conservation, labour minimum et culture sans travail du sol : le labour du sol peut être définie comme l’action de modifier l’état du sol afin de créer des conditions propices à la croissance des plantes. Le principe de labour minimal réduit le temps de manipulation, la nécessité de main-d’œuvre et l’utilisation d’engins, tout en favorisant la conservation de l’humidité et la diminution de l’érosion. L’avènement des herbicides et des insecticides modernes a permis de satisfaire certaines exigences de travail du sol sans recourir à des outils mécaniques.
3.4. L’agriculture verticale : l’agriculture verticale émerge comme un domaine florissant, où les cultures sont cultivées dans des systèmes en intérieur superposés, sous une lumière artificielle, et en dehors du sol. Cette pratique est devenue un sujet d’actualité durant la pandémie de coronavirus, alors que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre alimentent les inquiétudes persistantes concernant la sécurité alimentaire mondiale.
3.5. Ajustement de la variété de culture : les modèles climatiques projettent une hausse des concentrations de CO2, des températures globales et des phénomènes météorologiques extrêmes dans les prochains siècles, avec une variabilité accrue en Afrique de l’Est et en Asie du Sud-Est. Pour faire face à ces changements, de nouvelles variétés de cultures résistantes à la sécheresse et à cycle court ont été développées pour mieux s’adapter aux conditions climatiques actuelles.
4. Gestion des nutriments
4.1. Micro-Dosage des Engrais Minéraux : la méthode du micro-dosage d’engrais repose sur l’administration de quantités réduites d’engrais minéraux, effectuée approximativement une semaine après la plantation, dans des trous peu profonds de 3 à 5 cm, espacés d’environ 5 cm de la tige. Suite à cette application, l’engrais est recouvert de terre. Cette approche de fertilisation favorise une implantation rapide des cultures et une absorption accrue des nutriments et de l’eau du sol.
4.2. Gestion des Matières Organiques pour la Fertilité des sols : Certains sols, avec une rétention d’eau faible et une disponibilité limitée en éléments nutritifs, nécessitent une utilisation optimale des ressources organiques par les agriculteurs pour améliorer la fertilité du sol. La conservation de la matière organique et du carbone du sol dépend grandement de la quantité de résidus de culture disponibles malgré les demandes concurrentes.
En conclusion, les technologies de l’agriculture climato-intelligente représentent un potentiel considérable pour transformer les pratiques agricoles en les rendant plus durables, résilientes et efficaces face aux défis posés par le changement climatique.
En utilisant des approches intelligentes et basées sur les données, les agriculteurs peuvent optimiser leurs ressources, améliorer leur productivité et réduire leur impact environnemental.
Ces technologies offrent une voie prometteuse pour garantir la sécurité alimentaire mondiale tout en préservant les ressources naturelles et en atténuant les effets du changement climatique sur l’agriculture.
Auteur : Zyad TOGONOU